Le nouveau centre national pour les
arts de Kaohsiung, aussi appelé Weiwuying (衛武營) a ouvert
ses portes en octobre 2018.
Le centre national pour les arts Weiwuying
se trouve au sud de Taiwan dans la ville de Kaohsiung, au cœur d’une ancienne
base militaire transformée en parc urbain depuis 2010.
L’ambition du projet est aussi remarquable
que son architecture. Je vous invite à regarder cette courte et jolie vidéo de présentation :
Weiwuying
est le plus grand équipement culturel du monde réunissant les arts de la scène
dans un seul bâtiment avec un toit unique. Il comprend notamment :
·
Un opéra de 2 236
places
→ ses coulisses
sont immenses et permettent d’accueillir les costumes et décors de 5 spectacles
en même temps.
·
Un
auditorium de 1 981 places
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Crédits photo : KITO/Weiwuying |
→ la scène se
situe au milieu de la salle et les places sont agencées en « terrasses de
vignes »
L’auditorium abrite également le plus
grand orgue d’Asie
· Un théâtre de 1 210
places
·
Une salle
de concert dédiée au récital de 434 places
·
Un théâtre
en plein air
→ situé au niveau de la courbure du toit, il donne sur le parc qui peut accueillir jusqu’à 20 000 spectateurs
Crédit photo : Simon Jacquemin |
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Crédit photo : Iwan Baan |
·
Un immense
préau, appelé Banyan Plaza
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Crédit photo : Weiwuying |
→ ouvert à
toutes et à tous, cet espace public couvert traverse le bâtiment et permet une multiplicité
des usages
Crédit photo : Simon Jacquemin |
·
Des locaux commerciaux pouvant accueillir
plusieurs boutiques et restaurants
L’architecture du bâtiment
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Crédit photo : Agence mecanoo |
Il a été conçu par l’architecte Francine
Houben de l’agence nééerlandaise Mecanoo. L’architecture du bâtiment s’inspire principalement
des arbres banians du parc urbain et de l’atmosphère maritime de la ville.
Le préau rappelle les arbres banians
très présents dans les parcs taiwanais. Il permet de s’abriter du soleil ou de
la pluie.
Le toit en forme de vague fait
davantage référence à la ville côtière et portuaire de Kaohsiung. Le bâtiment a
d’ailleurs été construit en collaboration avec des fabricants locaux de bateaux,
la structure en béton et en acier lui donnant une allure de cargo.
Son impressionnante architecture a été
récompensée en 2018 par le prix d’argent des New York Design Awards dans la catégorie architecture.
La cérémonie d’ouverture
Après 15 ans de travaux, l’ouverture du
centre était attendue et a donné lieu à l’organisation d’un grand spectacle d’ouverture
le 13 octobre 2018 intitulé « Arts for the People – The Grand Opening ».
Le spectacle, auquel j’ai assisté,
était gratuit et ouvert à toutes et à tous. Il s’est déroulé en soirée sur la
scène extérieure, les spectateurs et spectatrices pouvant s’installer sur des
tribunes ou tout simplement sur l’herbe avec leur couverture et leur pic nique.
La cérémonie a débuté par quelques
discours officiels puis a continué avec des spectacles d’une nature très éclectique :
représentation mêlant opéra chinois et occidental, musique aborigène, démonstration
de beat-box, groupe de percussion, une violoniste, de la danse contemporaine et
pour finir le show un spectacle de drones au-dessus du bâtiment !
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Crédit photo : Salomé Colombet |
J’ai été particulièrement
impressionnée par l’installation visuelle mise en place par l’agence allemande Phase7
Performing Arts : une tête de Buddha géante animée disposée sur le bâtiment
et entourée de lasers lumineux qui s’éclairaient entre les différents spectacles.
L’évènement s’est terminé par une
invitation aux spectateurs et spectatrices qui le souhaitaient à rejoindre le
préau pour danser au rythme des sets d’un DJ, en compagnie de l’équipe d’architectes
ayant conçu le projet.
Programmation, ambition, réalité,
appropriation
Maintenant que ce méga centre culturel
est ouvert, se pose la question de son avenir et de sa fréquentation.
Comment une ville de 3 millions d’habitants,
qui se contentait jusqu’ici d’un théâtre de 1 600 places peut-elle
rentabiliser un complexe dédié aux arts de la scène aussi grand ? La
dimension nationale du centre pourra-t-elle attirer dans le Sud de l’île des spectateurs
et spectatrices d’autres villes de Taïwan, notamment de la capitale, voire d’autres
pays ?
Au-delà de l’enjeu économique, il y a
probablement un enjeu en termes d’image. D’une part pour la ville de Kaohsiung
qui essaie de dépasser sa réputation de ville industrielle portuaire et a
développé ses dernières années plusieurs équipements artistiques et culturels comme
le centre culturel de Dadong, la réhabilitation du Port 2 en lieu artistique ou
encore le centre de culture maritime et de musiques actuelles en cours de
construction. D’autre part pour Taiwan, qui à défaut de se faire remarquer en
tant qu’Etat (reconnu seulement par une dizaine de pays dans le monde), tente
de se démarquer avec des projets culturels de dimension internationale.
M’étant rendue à Weiwuying à plusieurs
reprises, il me semble en tout cas que le bâtiment a rapidement conquis le
public qui s’est totalement approprié la Banyan Plaza : démonstrations de
danses, cours de yoga ou de taichi, groupe de discussions, shooting cosplay,
projections de films… Le public s’est approprié cet espace public dont le décor
semble tout droit sorti d’un film de science-fiction. Les évènements gratuits
en plein air attirent également du monde, en témoignent les 15 000 personnes
venues assister en novembre à la projection en extérieur de la représentation de
l’orchestre philarmonique de Berlin (qui se jouait en même temps à guichet
fermé dans l’auditorium du centre). Reste maintenant à voir comment attirer ce public
dans les salles du Centre pour les spectacles payants.
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Crédit photo : Salomé Colombet |
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Crédit photo : Salomé Colombet |
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Crédit photo : Shawn Liu Studio |
Je termine cet article sur un extrait
vidéo de la représentation que j’ai vue début décembre dans la salle de théâtre
du Centre. J’avais pris la place la moins chère à 300 NTD (environ 8 euros 50).
Le spectacle s’appelait Paradise Interrupted : un mélange d’opéra chinois avec
une influence occidentale comprenant de très beaux décors en papier et des jeux
d’ombres et de lumière. Pour ce qui est de l’histoire et du texte, inspirés d’une
pièce classique chinoise « Le pavillon aux pivoines », je dois avouer
que j’ai eu du mal à suivre et que la traduction anglaise, assez littérale, ne
m’a pas permis de saisir la beauté et la poésie du texte chinois.