mardi 11 décembre 2012

Alishan

Alishan est une région montagneuse située au cœur de l'île. On y trouve notamment un parc naturel très touristique, perché à environ 2200 mètres d'altitude. Pour s'y rendre, il existe une ligne de train très particulière qui parcoure plus de 80 km en trois heures et demi, passant de 30 mètres au dessus du niveau de la mer à la haute montagne. Durant le trajet, le train traverse trois zones climatiques différentes : tropical, subtropical et tempéré. Malheureusement, Marokot (un très gros typhon qui a dévasté l'île en 2009) a endommagé fortement la ligne de chemin de fer. À l'heure actuelle, le train ne dessert que quelques stations à partir du parc d'Alishan.

Je me suis donc rendue à Alishan en minibus. Le trajet dure un peu plus de deux heures et est impressionnant. Depuis les routes qui serpentent les montagnes, les paysages sont à couper le souffle. Durant l'aller, j'ai pu admirer plusieurs mers de nuage, mais je n'ai malheureusement pas réussi à prendre les plus belles en photo. Les routes, tunnels et ponts construits pour dompter la montagne sont spectaculaires. La végétation passe des champs de palmiers et de bananiers en zone tropicale, aux cèdres japonais et plantations de thé en zone subtropicale et enfin aux forêts de pins et de cyprès géants en zone tempérée. Enfin, j'ai aussi eu droit à ma dose d'adrénaline, les chauffeurs de minibus aimant conduire vite et doubler, même dans le brouillard, ou sous la pluie, ou dans les virages ou quand deux cars se suivent (et particulièrement quand toutes ces conditions sont réunies en même temps!).

Arrivée à destination, il pleut (encore). L'auberge de jeunesse catholique est fermée. Je prends donc une chambre dans un hôtel bon marché. Si tout se passe bien, ce seront les deux seules nuits à l'hôtel de mon voyage. L'hôtel est standard, voire mauvais, mais peu importe, j'ai une chambre double pour un prix très raisonnable. Le lendemain, je me suis rendue compte que j'avais une vue assez sympathique sur les montagnes depuis le balcon de ma chambre.

Je passe l'après-midi sous la pluie à me balader dans le parc. Avec le brouillard l'ambiance est mystérieuse. On est dimanche, il y a donc de nombreux groupes de touristes malgré le mauvais temps. Je discute avec un guide, surpris de me voir voyager seule. Il m'explique un peu l'histoire du monument qui se trouve à côté de nous pendant que son groupe est occupé à prendre des photos. Puis il reprend son drapeau et son mégaphone et continue la visite. Je me balade au milieu de la forêt et des cyprès géants dont certains sont millénaires. Durant leur  leur occupation de l'île, les Japonais ont exploité cette forêt exceptionnelle et ont coupé de nombreux arbres. Au Japon, de nombreuses boiseries, notamment dans les temples, sont originaires d'Alishan. Finalement en fin d'après midi le temps s'éclaircit. Je trouve un joli un point de vue sur les montagnes et admire le paysage, avec en bande son la musique émanant du temple bouddhiste d'à côté.

Le lendemain matin, je me lève à 5 heure du matin pour l'attraction touristique phare d'Alishan : observer le lever du soleil sur les montagnes. Le mauvais temps qui me suit depuis le début de mon séjour me rend sceptique, mais je tente quand même l'expérience. Je découvre en sortant de l'hôtel qu'il ne pleut pas : miracle ! Seule dans la nuit, je me dirige vers la station de train toute proche, qui permet d'accéder en trente minutes et sans effort à un joli point de vue sur l'Est. Et là, je découvre plusieurs centaines de personnes attendant le train sur le quai. Je me demande ce que ça doit être pendant la saison touristique ! Un compteur électronique m'indique que je suis la 214ème personne à monter dans le train. Dans le train, je ne trouve pas de place assise. J'ai l'étrange sensation de m'être trompée d'endroit. Je crois être dans un métro bondé à une heure de pointe. Arrivée à destination, la vue est dégagée. Il n'y a pas de brouillard. Par contre il y a des nuages au dessus des montagnes. Ceux-ci ont caché le soleil levant. Cependant j'ai tout de même pu observer les couleurs de l'aurore. Au milieu de la foule et des explications au mégaphone d'un guide/commerçant, l'ambiance n'était pas très propice à la méditation et à la contemplation. Mais c'était tout de même une expérience sympathique.

L'après-midi, le temps est radieux. Non seulement il ne pleut pas mais le soleil brille. Je décide de me promener dans le parc et d'aller dans les endroits que je n'avais pas vus la veille. Je tombe sur un chemin de randonnée. La signalisation est bonne et le parcours est aménagé. Il suffit de suivre les escaliers en bois. La randonnée en entier oerlet d'accéder à un sommet et dure 4 heure aller-retour. Je décide de m'engager sur le chemin pour faire un bout de la randonnée et profiter des bois et du paysage. L'endroit est plus tranquille et naturel que le parc. Puis, je ne sais pas ce qui m'a pris, mais j'ai marché et grimper beaucoup plus que prévu, malgré le dénivelé. Je crois que je n'ai jamais autant monté de marches d'escalier de ma vie. L'endroit était calme, je me sentais libre, et le réseau de téléphone passait (naïvement, je me sentais rassurée en cas de glissements de terrain, de tremblement de terre ou autres banalités taiwanaises). Je n'ai croisé que deux personnes sur le chemin. Arrivée à plus de 2500 mètres d'altitude, je rencontre une biche sur le chemin qui marquera la fin de mon "ascension". Assise sur en plein milieu des escaliers, la biche me barre la route. Elle me fixe du regard. Je l'approche doucement. Elle se lève, pousse un cri dans ma direction puis bondit dans les feuillages. Sûrement l'esprit de la forêt pour me ramener à la raison. En effet, je n'avais pas vu le temps passé et il était déjà presque 16h30. Le soleil se couche vers 17h15, et la clarté au sommet de la montagne m'a joué des tours. Je me presse donc de redescendre. Dans un peu plus de trois quart d'heure il fera nuit. Quinze minutes aprés le début de ma descente, le brouillard se lève. Il commence à faire sombre et je suis seule au milieu de la forêt et des arbres géants. L'humidité forme de la buée sur mes lunettes et ma myopie augmente quand le jour décline. Alternant entre mes lunettes embuées et ma myopie accentuée, la forêt prend un autre visage, plus flou et plus mystérieux. Je me concentre sur les marches des escaliers. Les quelques 3 km de descente me semblent une éternité. Certes le chemin est bien aménagé et assez sécurisé, mais je me vois mal marcher seule dans la nuit au milieu de la forêt. Finalement, j'arrive à l'entrée de la randonnée vers 17h10. Cet endroit du parc est désert. Je rejoins rapidement la route, qui est éclairée. Il y a des bus, des voitures et des promeneurs. La nuit tombe. Je suis rentrée juste à temps. Il me faut encore marcher une vingtaine de minutes le long de la route pour atteindre l'entrée du parc et mon hôtel. Je sors du parc dans la lumière rougeoyante du crépuscule et trouve un point de vue pour l'admirer. Ensuite, j'ai pris la meilleure soupe de nouilles du monde et la meilleure douche du monde : des choses très simples mais tout est une question de point de vue !

lundi 10 décembre 2012

Lukang (2) : hospitalité, croyances et bubble tea

A Lukang, j'ai été accueillie par Shawna et sa famille et j'ai passé la nuit chez eux. Je n'ai même pas eu besoin de rendre à Lukang par mes propres moyens car Shawna devait récupérer son neveu à Taichung. Je suis donc allée de Taichung à  Lukang en voiture et j'ai fait la connaissance de Shawna pendant ce trajet.

Nous sommes arrivés à destination en début de soirée. Il pleuvait, pour changer. J'ai découvert la famille de Shawna (sa mère, son père et sa tante) et l'endroit où j'allais dormir.

Les parents de Shawna tiennent une échoppe de thé dans la rue principale de la ville depuis plus de 20 ans. Ils ont travaillé dur toute leur vie et maintenant ils ont embauchés quelques employés pour les aider. Le père est ainsi beaucoup plus relax via à vis du travail, tandis que la mère  travaille toujours beaucoup.

La maison des parents de Shawna est caractéristique des bâtiments de cette rue : immeubles côté à côté de plusieurs étages, avec des façades assez étroites mais des étages qui s'étendent en longueur sur presque une centaine de mètres et débouchent sur une autre rue. Shawna m'a raconté que les commerçants pouvaient ainsi monter deux affaires, une dans la rue principale et une dans une rue annexe. Au rez-de-chaussée se trouve donc l'échoppe de thé. Le thé est à emporter, il n'y a pas de table et de chaise pour le déguster. Ce n'est pas du thé "traditionnel", mais plutôt du thé que l'on consomme à tout moment de la journée, chaud ou froid, avec plus ou moins de perles, de sucre et de lait à l'intérieur. Il est versé dans des gobelets en plastique, fermés hermétiquement, et se boit avec une paille. Juste derrière le comptoir, se trouve "la cuisine" ou disons l'endroit pour effectuer les préparations. Il y a plusieurs grosses marmites, dont une avec des herbes qui mijotent à l'intérieur et qui dégagent une odeur particulière qui embaume toute la maison. Derrière, on trouve l'arrière boutique où sont stockés divers ingrédients. Il a y aussi un ordinateur et plusieurs tables et chaises. C'est un endroit de détente pour la famille. Enfin, au fond je découvre un petit jardin qui donne sur la rue annexe. A l'étage se trouve une pièce à vivre immense et un peu vide, puis deux salles de bain et une chambre où la famille de Shawna dort. Je n'ai pas visité le dernier étage.

J'ai dormi dans la pièce à vivre à l'étage, dans une toile de tente que Shawna avait spécialement montée pour ma venue, "pour que je me sente plus en sécurité".

Lors de cette soirée à Lukang, nous sommes allées dîner dans un petit boui-boui préparant des soupes aux vermicelles et au canard. Le canard est disposé entier sur un étal, puis il est directement coupé au hachoir et mis dans la soupe. De ce fait, il y a plus d'os que de viande dans la soupe. S'en suit l'art délicat de cracher les os...Pendant le repas, j'ai pu constater que l'ambiance de cette ville était vraiment très loin de celle de Taichung ou de Taipei. La ville est beaucoup moins "asceptisée" et ses habitants aussi. La plupart s'expriment en Taiwanais (dialecte originaire du Fujian ramené par les premiers migrants). Entendre et parler le chinois, je peux m'en sortir. Mais le taiwanais c'est une autre histoire... je ne comprends pas un mot. Shawna m'a expliqué que les jeunes générations sont parties travailler à Taichung ou ailleurs.

Après le dîner, nous avons passé la soirée dans le jardin à discuter et à boire du vin coréen, un vin rouge aux fruits très sucré avec un goût de mûre. C'est le moment d'en dire un peu plus sur Shawna.

Portrait: Shawna
Shawna est une Taïwanaise de 27 ans. Elle est née à Lukang. Elle fait partie d'une famille de commerçants. Ses ancêtres vendaient du tissu, ses parents des bubble teas, et son grand fère a ouvert à Taichung un restaurant de pizza qui marche très bien. Elle est allée à l'université et a fait des études de commerce. Mais elle ne se retrouve pas dans ce monde-là. Entre ses divers emplois qu'elle trouvait ennuyants, elle a beaucoup voyagé en Asie et dans le Pacifique. Elle a notamment passé un an en Australie avec un visa de travail et quelques mois en Corée. Elle est revenue à Taïwan depuis peu et préfère vivre dans un endroit tranquille comme Lukang et profiter de sa famille, qu'elle n'a pas beaucoup vue quand elle était petite car ils travaillaient trop. Pour le moment, elle passe son temps à lire et à jouer de la guitare. Et elle accueille des étrangers et leur fait visiter sa ville. Elle a un projet : elle souhaite ouvrir une maison d'hôte à Lukang et y accueillir des voyageurs du monde entier. Mais pour le moment, elle n'a pas réussi à obtenir les autorisations nécessaires.

Le lendemain matin, je me réveille dans la tente, avec l'odeur de la plante qui mijote toujours dans la marmite au rez-de-chaussée et surtout avec le son des pétards et de la musique. Il y a un défilé dans la rue principale, en l'honneur de la déesse Matzu, qui possède un temple à Lukang. Dans le défilé, il y a un peu de tout : des jeunes, des vieux, des danseurs, des personnes costumées, des personnes avec des échasses ou costumées. Je n'ai malheureusement pris que très peu de photos. Je venais juste de me réveiller et je pensais pouvoir prendre des photos plus sereinement tout au long de la journée, mais il s'est remis à pleuvoir très fort et je n'ai plus vu de défilé. A noter que dans ce défilé hautement religieux, il y avait aussi en bande son du Lady gaga et des jeunes filles dansant autour d'une barre. Ici la religion ce n'est pas que de la tradition mais c'est aussi chacun son interprétation et sa façon de vénérer la déesse Matzu!

Pendant la journée, j'ai visité la ville avec Shawna qui m'a apporté de nombreuses explications et anecdotes (cf mon précédent article). J'ai aussi dégusté un excellent Baozi (petit pain farci à la vapeur). Le meilleur que j'ai jamais mangé. En plus de cela, deux choses inédites : j'ai été intiée à la religion populaire et j'ai préparé mon propre thé au lait aux perles dans l'échoppe des parents de Shawna.

La religion populaire
A Taïwan, la religion tient une place assez importante. Selon Shawna "sur l"île, on compte 9000 magasins 7-11 (ndlr ces petites superettes ouvertes 24/24 que l'on trouve à tous les coins de rue) ... et plus de 20 000 temples". Outre le Taoïsme et Bouddhisme, il existe une religion "populaire" avec des multiples dieux et déesses. Les plus connus sont le dieu du paradis, le dieu de la terre et le dieu de la maison. La déesse la plus populaire est Matsu, déesse de la mer qui protège les pécheurs. Un des temples les plus connus de Lukang est justement celui de la déesse Matsu. L'origine de ce temple remonterait à la dynastie des Ming, et la statue qui se trouve à l'intérieur du temple aurait été raménée de Chine par un général à la fin du XVIIème siècle sous la dynsatie des Qing. Bien que le temple soit dédié à la déesse, on y trouve aussi plusieurs autres dieux.
C'est Shawna qui m'a intiée à cette religion donc je répète ici ce qu'elle m'a montrée. Tout d'abord, elle m'a dit qu'il fallait prier chaque dieu du temple en faisant "baibai", c'est-à-dire en joignant ses mains et en les secouant de haut en bas. Certaines personnes font la même chose avec des encens dans la main, mais Shawna m'a expliqué qu'elle ne le faisait pas car elle se préoccupait de la qualité de l'air. Ensuite, nous avons posé une question à la déesse. Pour cela il y a tout un processus. Il faut d'abord remuer un pot rempli de bâtons et en prendre un qui dépasse. Sur ce baton il y a un nombre. Il faut ensuite aller devant la déesse et se présenter, avec son nom, son adresse et sa question. Puis on lance deux objets en forme de croissant. Selon la façon dont ils tombent à terre, la déesse nous confirme ou non qu'on a choisi le bon numéro. Pour ma part, j'ai failli assomer un religieux qui priait à terre lorsque j'ai lancé les croissants (LOL), mais la déesse m'a répondu que j'avais le bon numéro. Ce ne fut pas le cas de Shawna qui a du recommencer le processus à deux reprises. Puis, une fois le numéro confirmé, nous sommes allées prendre chacunes sur un présentoir un petit papier rose correspond à notre numéro. Sur ce papier, de nombreux caractères chinois que même Shawna ne comprenait pas. Il a donc fallu aller voir un monsieur du temple, et lui demander comment interpréter ce qui était écrit sur le papier. Shawna avait demandé à la déesse si elle pouvait ouvrir sa maison d'hôte, et "elle" lui a répondu qu'il fallait d'abord qu'elle trouve l'endroit où elle voulait l'installer, puis que les choses se débloqueraient. Pour ma part, j'ai demandé si j'allais trouver mon premier emploi. La déesse "m'a répondu" que pour le moment, ma chance de trouver un emploi était instable (tantôt chanceuse, tantôt pas chanceuse à ce que j'ai compris) mais que cette chance allait se stabiliser après le nouvel an Chinois.
Un peu plus tard, pendant notre balade dans les petites rues de la ville, nous sommes entrées dans une boutique de souvenirs et Shawna m'a conseillé d'acheter le dieu de la Terre pour favoriser ma chance de trouver un emploi. Voulant tenter "cette expérience religieuse" jusqu'au bout, j'ai donc acheté pour une somme modique une petite figurine kawaï (surement made in China) du dieu de la terre. Ensuite, nous nous sommes rendues dans le temple du dieu de la Terre et j'ai du effectuer une petite cérémonie : faire "baibai", brûler de l'encens et faire tourner plusieurs fois ma figurine et l'encens autour de petites statuettes. Ainsi, ma figurine "s'est remplie du pouvoir du dieu de la Terre".

Le bubble milk tea
Le thé aux lait aux perles est une boisson taiwanaise populaire, vendue dans des échoppes comme celle tenue par les parents de Shawna. Le thé au lait aux perles classique est composé de lait (en poudre), de thé noir, de glaçons, de sucre et de boules de tapioca. Il est servi dans un gobelet plus ou moins grand, avec une grande paille pour boire la boisson tout en aspirant les perles, que l'on peut mâcher comme des bonbons. Ceci dit, il existe de nombreuses variantes : différents thés (noir, vert, fruité...), des perles de différentes tailles,  plus ou moins sucré, chaud ou froid, plus ou moins de glaçons si servi froid etc. Affectionnant cette boisson si particulière, j'ai tout de suite accepté quand Shawna m'a proposé de préparer moi-même un thé au lait aux perles classique dans l'échoppe de ses parents. A vrai dire, j'ai surtout suivi les instructions d'une des employées de la boutique. Mais c'était sympa. J'essayerais peut être de refaire ça en France.

Photo 1: L'intérieur du Temple de Matsu

Photo 2 : Défilé pour la déesse Matsu (photo prise depuis le balcon de la maison des parents de Shawna)

Photo 3 : Shawna et les plats de soupe de canard aux vermicelles dans le boui-boui du coin

Photo 4 : Au temple de Matsu : les "bâtons" qui contiennent les numéros

Photo 5 : La feuille correspondant à mon numéro

Photo 6 : Shawna en train de faire "baibai"

Photo 7 : Préparation du thé au lait au perles avec l'aide d'une employée de l'échappe de thé

Photo 8 : La patisserie où j'ai mangé les excellents petits pains à la vapeur

Photo 9 : La pièce à vivre où Shawna a installé ma tente

Photo 10 : Soirée avec Shawna dans le jardin

Photo 11 : Shawna, ses parents et moi devant l'échoppe de thé

dimanche 9 décembre 2012

Lukang (1)

Après Taichung, direction Lukang, une petite ville côtière de 85 000 habitants. Cette ville fut une des premières à se développer à Taïwan.

Taïwan jusqu'à la fin du XIXème siècle en quelques lignes

Au départ, seuls des aborigènes vivaient sur l'île, installés depuis des milliers d'années. Puis, au début du XVème siècle, la première vague d'immigration sur l'île est venue de Chine. Des Chinois originaires de la province du Fujian, située juste en face du détroit, entendirent parler d'une île sauvage et décidèrent de quitter la misère et l'instabilité politique de la Chine pour cette terre. Un peu plus tard, au début du XVIème siècle une autre communauté originaire de Chine s'installa sur l'île, les Hakka. L'année 1544 marque la découverte de l'île par les Portugais, et le début de l'installation des Européens (principalement les Hollandais et les Espagnols) sur Taïwan et et les petites îles environnantes afin de faire du commerce. Dans le même temps, l'Empire chinois (sous la dynastie Ming) réalisa le potentiel commercial de Taïwan et tenta de chasser les Européens. Finalement, l'empire des Ming s'écroula, laissant place aux Qing. Les plus fidèles à la dynastie des Ming s'exilèrent dans les îles du détroit et un général, le général Koxinga, décida d'envahir Taïwan et chassa définitivement les Hollandais de l'île en 1662. A cette période, plusieurs dizaines de milliers de Chinois ont immigré à Taïwan pour rejoindre le général Koxinga. Puis en 1683 la dynastie des Qing reprit le contrôle de Taïwan et la plaça sous la juridiction de la province du Fujian. Pendant ce temps, les Européen n'avaient pas oublié la position stratégique de l'île et après la deuxième guerre de l'opium, Taiwan s'ouvra au commerce avec l'occident.

C'est ainsi que Lukang fut d'abord une ville  qui accueilla de nombreux Chinois originaires de la province du Fujian. Différents clans, originaires de différentes régions du Fujian, s'y installèrent et s'opposèrent. Aujourd'hui, on trouve dans le vieux Lukang une porte qui jadis était fermée afin d'éviter toute confrontation entre les deux clans principaux.

Durant le XVIIème siècle, les Hollandais investirent la ville pour y développer le commerce. Puis la ville continua de croître. Au XVIIIème siècle Lukang était une villes très dynamique pour son commerce et son activité portuaire. Aujourd'hui, on peut observer les restes de cette époque prospère en se promenant dans les petites rues et admirant d'anciennes demeures, plus ou moins rénovées. Il y a ainsi de toutes petites allées, très étroites et avec de nombreux tournants construits dans le but de se protéger du vent, qui souffle particulièrement fort dans cette ville (photo 6). Devant l'une des anciennes demeures, il y a un puit en demi-cercle. Il s'avère que la riche famille qui vivait dans cette maison partageait son puits. La moitié à l'extérieur de la propriété était destinée aux pauvres et aux passants. Les autorités locales tentent désorlais de tirer profit de ce passé et souhaitent développer le tourisme dans la ville. Pour cela, les petites rues traditionnelles ont quelque peu été nettoyées, et les entrées des vieilles demeures ont été refaites dans un style "ancien" (photo 5 avec la nouvelle entrée en premier plan et la vieille maison derrière).

Enfin, les temples de la ville témoignent de la ferveur religieuse de la ville mais aussi de son histoire. Ainsi, on trouve sur les ornements du temple de Matzu des Occidentaux représentés en train d'effectuer des tâches ingrates ( photo 4: ici en train de porter une lourde charge). On m'a expliqué que les Taïwanais avaient représenté les Hollandais comme cela afin de protester contre leur installation dans la ville et les condamner à de durs labeurs. Cependant, selon la version officielle, les Hollandais étaient  représentés comme cela "pour témoigner de leur force".

Taichung (2) : hospitalité et gourmandise

Outre les découvertes urbaines et culturelles décrites dans mon précédent article, mon séjour à Taichung s'est déroulé sous le signe de l'hospitalité et de la gourmandise.

Ne connaissant personne à Taichung j'ai vécu ma première expérience "chez l'habitant", à savoir chez une amie d'un ami.

Comme beaucoup d'aventures taïwanaises, tout a commencé par une virée en scooter. Heidy (l'amie de mon ami) est venue me récupérer à la gare grâce à ce moyen de locomotion. Si à Taipei on peut très facilement se déplacer en métro et (avec un peu d'expérience) en bus, il n'en est pas de même pour les autres villes de Taïwan. Les voitures et les scooters sont très largement utilisés, malgré la pollution, les embouteillages et les difficultés pour se garer. A Taichung, un métro est en cours de construction, mais il va surement falloir du temps avant que les habitants changent leurs habitudes.

Heidy m'a tout d'abord emmenée dîner dans un restaurant réputé pour ce que nous appelons en France la fondue chinoise. En chinois, on dit Huo guo (prononcer "rouo gouo"), ce qui veut littéralement dire "feu-casserole". Le concept : sur la table un réchaud, sur le réchaud une casserole, dans la casserole un bouillon, dans le bouillon des ingrédients divers (légumes, nouilles, viande, tofu, fruits de mer...) et autour de la table une ou plusieurs personnes qui se régalent avec ça. J'avais choisi fruit de mer et tofu (photo 10). Au sujet du tofu, il me faut absolument préciser que cet ingrédient ne se résume pas seulement à ce petit carré gluant qui flotte dans la soupe miso de votre restaurant japonais préféré. Il existe différentes saveurs et différentes textures, bien plus savoureuses que ces étranges bestioles baignant au milieu des algues. Si le tofu en France était aussi varié et goûtu qu'à Taïwan, je pourrais presque affirmer que je pourrais devenir végétarienne. Presque : mes papilles et mes besoins en protéines seraient comblées avec du fromage français ET du tofu, mais il ne faut pas se leurrer, ma gourmandise reprendrait surement le dessus.

Après un peu d'attente pour avoir une table, un excellent repas, et une autre virée en scooter nous sommes arrivés chez Heidy et sa famille. Premier choc, non pas culturel, mais spatial lorsque j'ai découvert la chambre dans laquelle j'allais dormir. Depuis mon arrivée à Taiwan, je logeais dans le studio de Jasmine à Taipei. Nous étions deux à vivre dans environ 12m² (salle de bain comprise) et une nuit nous avons même dormi à quatre. Pourtant, j'étais plutôt bien dans ce studio et je ne me sentais pas spécialement à l'étroit (surêment grâce à Jasmine et son sens pratique surdéveloppé). Chez Heidy, j'avais pour moi toute seule non pas un tapis de sol mais un lit et une chambre immense faisant plus du double de la taille du studio de Jasmine.

La journée du lendemain se résume en deux mots : famille et nourriture. A vrai dire, je dirais que ce sont les deux choses qui comptent le plus aux yeux des Taïwanais.
Les liens familiaux sont très importants. Il est extrêmement courant que les jeunes adultes vivent encore chez leur parents et y restent jusqu'à ce qu'ils se marient (ou qu'il trouvent un emploi dans une autre ville). La majorité des jeunes de mon âge qui habitent dans la ville où ils sont nés n'ont donc pas quitté le foyer familial. La plupart du temps ce ne sont pas seulement avec des individus que j'ai fait connaissance, mais avec des familles (directement ou indirectement). Chez Heidy, j'ai donc rencontrè la mère, le père, le grand frère et la belle sœur.
En ce qui concerne la nourriture, les Taïwanais que j'ai rencontrés adorent manger.On peut se restaurer presqu'à toute heure et les plats que l'on peut déguster sont incroyablement variés. Il suffit d'être un peu gourmand et de se fier non pas à l'allure du restaurant, mais à sa réputation ou à la longueur de sa file d'attente. Ne pas avoir parlé de nourriture dans les articles précédents, c'est avoir omis une grande partie de mon voyage !

J'ai passé la journée avec Heidy et sa maman. Au départ, nous devions aller déjeuner dans un restaurant près des montagnes, un peu en dehors de Taichung. Mais le mauvais temps nous a fait changer de programme. Mis à part quelques courses, nous avons passé notre temps à manger.

Gourmandise : récit d'une journée culinaire

Petit déjeuner : attentionné
Thé noir et pâtisseries taïwanaises chez Heidy. A noter qu'il y avait deux patisseries, dont un genre de croissant avec des haricots rouges à l'intérieur. A Taïwan, les haricots rouges sont considérés comme un ingrédient sucré, on met du haricot rouge là où nous mettrions spontanément du chocolat. Le croissant en question n'était pas fourré d'une pâte de haricot. Il contenait des haricots en morceau. Dans ce cas là, mes capacités d'adaptation ont des limites, j'ai mangé l'autre pâtisserie.

Déjeuner : raffiné dans un restaurant- galerie d'objets traditionnels chinois (photos 1 à 5 et 8)
La maman de Heidy tenait à m'amener dans ce restaurant. Côté déco, des vitrines d'objets traditionnels chinois (notamment des peintures, jades et des cornes d'éléphant sculptées) entourent les tables, une fontaine et un mur d'eau ajoutent un peu d'ambiance. Côté nourriture, il y a des mets asiatiques et quelques mets occidentaux. Les plats sont soigneusement dressés et la nourriture est bonne. Côté prix si mes souvenirs sont bons c'était 300 à 500 NTD le menu (soit environ 10 euros) avec mise en bouche, soupe et salade, plat, dessert et boisson.

Goûter :
Dans un salon de thé, plus précisément une chaîne réputée pour ses thés au lait aux perles. J'ai pris un bubble green tea et nous avons grignoté des genres de bretzels fourrés à la cacahuète.

Dîner : en famille (photo 9)
Nous sommes allés dans un petit restaurant pour un barbecue avec toute la famille de Heidy sauf le père retenu par son travail. Assis sur des tables et chaises d'écoliers en bois, nous avons dégusté de multiples brochettes, des légumes, de la viande et des fruits de mer grillés tout en buvant de la bière. C'était vraiment bon, copieux et convivial.

Portraits : mère et fille (photos 6 et 7)

La maman de Heidy adore manger, ce qui explique en partie ma journée culinaire. Pas très grande et pas très épaisse, elle peut pourtant manger beaucoup et c'est elle qui a fini les plats (et la bière) lors du dîner BBQ. Par ailleurs elle ne travaille pas. Son mari est professeur et chercheur, spécialisé dans les glissements de terrain. Il donne quelques cours, travaille beaucoup et est assez souvent en déplacement à Taiwan ou à l'étranger. Quand cela est possible, la maman de Heidy suit son mari lors de ses voyages. La maman de Heidy se lève très tôt chaque matin pour préparer le petit déjeuner à son mari. La journée, elle profite de sa famille, voit ses amies et prend des cours d'anglais. Elle a une femme de ménage qui s'occupe des tâches ménagères. La maman de Heidy a par ailleurs la main verte et possède un très beau jardin sur le toit de la maison, composé de multiples fleurs et plantes. Elle a même obtenu un diplôme dans ce domaine. Lors de mon séjour à Taichung, nous nous sommes arrêtées chez un fleuriste et elle a acheté une dizaine de plantes pour la décoration de Noël. Dans le magasin, elle a rassemblé ces plantes les unes contres les autres et les a organisées, de manière à créer "un bouquet de plantes".

Heidy est l'amie de mon ami, devenue mon amie au cours de mon séjour à Taichung. C'est une fille pétillante et positive. Quelques minutes après notre première rencontre, elle a reçu un appel téléphonique lui annonçant qu'elle avait décroché  l'entretien d'embauche qu'elle attendait depuis un certain temps. Pour cela, elle considère que je lui porte chance. Heidy est diplômée en business et est revenue pour trouver un emploi à Taïwan, après un an d'étude à Glasgow, "la ville d'Adam Smith", et trois mois de voyage en Europe. Elle voulait au départ commencer sa vie active en Europe. Mais la situation économique dans le vieux continent l'a fait revenir à Taïwan. Elle souhaite travailler dans le domaine du conseil financier à Taipei. Ce n'est pas exactement ce qui lui plaisait au départ, mais à Taïwan, l'université que l'on décroche compte plus que la spécialité désirée. Finalement elle s'y est fait et aime plutôt ça. Et puis il y a des débouchés. Comme beaucoup de jeunes Taïwanais, Heidy a 23 ans mais ne sort pas le soir, sauf parfois avec sa famille. Elle m'a expliquée qu'elle rentrait en général pour le dîner ou au plus tard vers 23 heures, et que même aller au cinéma n'est pas forcément quelque chose de bien vu par ses parents. Mais Heidy est allée en Europe, où elle a découvert la vie nocturne. Ses parents possèdent une autre maison à Taipei, ce qui lui permet sortir davantage dans la capitale. 

Photos 1 à 5 : Le restaurant- galerie d'objets traditionnels chinois pour le déjeuner

Photo 6 : La maman de Heidy

Photo 7 : Heidy

Photo 8 : Le restaurant -galerie d'objets traditionnels chinois pour le déjeuner

Photo 9 : Le dîner dans le restaurant BBQ

Photo 10 : Le Huo Guo lors du soir de mon arrivée à Taichung

                

vendredi 7 décembre 2012

Taichung (1)

Taichung est situé au centre Ouest de Taïwan. C'est la deuxième ville la plus grande et la troisième ville la plus peuplée de l'île. La ville est connue pour sa vivacité culturelle et pour ses projets urbains.

Le programme urbain le plus spectaculaire est surement le réaménagement d'un ancien aéroport en un ensemble composé d'un parc, d'un stade, d'un centre universitaire et d'un centre de convention et d'une tour futuriste. Haute de 390 mètres, la Taiwan tower ressemblera à un arbre, entouré plusieurs feuilles mobiles servant d'observatoire, des sortes de zeppelins ayant la forme de l'île de Taïwan.
(Un aperçu de la tour avec ce lien:  http://www.urbanews.fr/2011/01/15/10372-taiwan-tower-competition-cest-dorin-stefan-qui-la-emporte/)

Le centre de Taichung a par ailleurs fait l'objet d'importantes rénovations. Des tours très modernes ont été construites ainsi que des bâtiments "verts", comme ce centre commercial possédant plusieurs murs végétaux à l'intérieur et à l'extérieur.

Ces différents projets urbains ont été sujets à quelques controverses. Une Taïwanaise m'a ainsi expliqué que les immeubles flambants neufs faisaient l'objet d'une importante spéculation et que la nuit tombant ils s'effaçaient du paysage car on ne distingue pas de lumière à travers les fenêtres. Les appartements sont vides. Dans un autre quartier en pleine rénovation, d'anciennes maisons habitées par les ex-combattants de Chiang Kai-Shek sont menacées de destruction. C'est dans ce contexte qu'un de ces soldats à la retraite a décidé de protester en peignant le quartier avec des couleurs vives.

En ce qui concerne la culture, Taichung abrite deux musées nationaux assez renommés : le musée national d'art et le musée national des sciences naturelles.
Penchant plus pour le côté artistique que le côté scientifique, j'ai davantage visité le musée national d'art, que j'ai adoré. Les expositions étaient nombreuses, présentant à la fois des artistes étrangers et des artistes Taïwanais. Il y avait notamment un exposition nommée TEA Technology Entertainment Art), présentant des oeuvres et des projets artistiques utilisant les nouvelles technologies, internet et les réseaux sociaux. Ayant seulement survolé le musée des sciences, je ne peux pas en parler énormément. Je retiens notamment une salle dédiée à la médecine chinoise, où j'ai appris que les médecins traditionnels peuvent détecter si quelqu'un est malade de différentes manières : par le son de sa voix, par son pouls (pris au niveau du poignet) et par son odeur. Par ailleurs, selon cette médecine traditionnelle, la forme de l'oreille ressemble à celle d'un enfant dans le ventre de sa mère. De ce fait, il est possible de guérir différentes parties du corps en pratiquant l'acuponcture sur certaines zones de l'oreille. Le musée des sciences possède également un jardin botanique en forme de sphère à l'architecture assez sophistiquée.

Photo 1 : Centre commercial aux murs végétaux dans le centre de Taichung

Photo 2 : Trash Track au musée d'art. Projet artistique qui consistait à taguer 2000 déchets et à suivre leur trajet.

Photo 3  La sphère botanique du musée des sciences

Photo 4 : Peinture jouant sur la prononciation anglaise de Taiwanais, qui transféré en chinois (ta wan ni si) veut dire il joue tu (au féminin) meurs

Photo 5 : Exquisite Clock au musée dart. Via une application des internautes peuvent envoyer des photos représentant des chiffres, qui servent ensuite à alimenter la base de donnée de cette horloge virtuelle

Photo 6 : Swarm Sketch au musée d'art. Les internautes peuvent dessiner collectivement chaque semaine un dessin, sur un thème donné. CHaque internaute dessine un trait et vote pour définir l'intensité des traits dessinés par les autres

Photo 7 : Rate Beat. Chaque bouteille contient une pièce de monnaie (des principales devises mondiales) qui sautille plus ou moins fortement selon le taux de change.

Photo 8, 9, 10 : Quartier moderne de Taichung

Photo 11 et 12 : Le "village arc en ciel" menacé de destruction