lundi 17 décembre 2018

« Weiwuying » : le nouveau centre national pour les arts de la scène de Kaohsiung



Le nouveau centre national pour les arts de Kaohsiung, aussi appelé Weiwuying (衛武營) a ouvert ses portes en octobre 2018.

Le centre national pour les arts Weiwuying se trouve au sud de Taiwan dans la ville de Kaohsiung, au cœur d’une ancienne base militaire transformée en parc urbain depuis 2010. 

L’ambition du projet est aussi remarquable que son architecture. Je vous invite à regarder cette courte et jolie vidéo de présentation : 



Weiwuying est le plus grand équipement culturel du monde réunissant les arts de la scène dans un seul bâtiment avec un toit unique. Il comprend notamment :
·      Un opéra de 2 236 places
ses coulisses sont immenses et permettent d’accueillir les costumes et décors de 5 spectacles en même temps.
·      Un auditorium de 1 981 places
Crédits photo : KITO/Weiwuying
la scène se situe au milieu de la salle et les places sont agencées en « terrasses de vignes »
L’auditorium abrite également le plus grand orgue d’Asie

      






·    Un théâtre de 1 210 places
·      Une salle de concert dédiée au récital de 434 places
·      Un théâtre en plein air
 situé au niveau de la courbure du toit, il donne sur le parc qui peut accueillir jusqu’à 20 000 spectateurs
Crédit photo : Simon Jacquemin


Crédit photo : Iwan Baan


·      Un immense préau, appelé Banyan Plaza
Crédit photo : Weiwuying
ouvert à toutes et à tous, cet espace public couvert traverse le bâtiment et permet une multiplicité des usages

Crédit photo : Simon Jacquemin


·      Des locaux commerciaux pouvant accueillir plusieurs boutiques et restaurants


L’architecture du bâtiment

Crédit photo : Agence mecanoo
Il a été conçu par l’architecte Francine Houben de l’agence nééerlandaise Mecanoo. L’architecture du bâtiment s’inspire principalement des arbres banians du parc urbain et de l’atmosphère maritime de la ville.

Le préau rappelle les arbres banians très présents dans les parcs taiwanais. Il permet de s’abriter du soleil ou de la pluie.  
Le toit en forme de vague fait davantage référence à la ville côtière et portuaire de Kaohsiung. Le bâtiment a d’ailleurs été construit en collaboration avec des fabricants locaux de bateaux, la structure en béton et en acier lui donnant une allure de cargo.

Son impressionnante architecture a été récompensée en 2018 par le prix d’argent des New York Design Awards dans la catégorie architecture.


La cérémonie d’ouverture

Après 15 ans de travaux, l’ouverture du centre était attendue et a donné lieu à l’organisation d’un grand spectacle d’ouverture le 13 octobre 2018 intitulé « Arts for the People – The Grand Opening ».
Le spectacle, auquel j’ai assisté, était gratuit et ouvert à toutes et à tous. Il s’est déroulé en soirée sur la scène extérieure, les spectateurs et spectatrices pouvant s’installer sur des tribunes ou tout simplement sur l’herbe avec leur couverture et leur pic nique.

La cérémonie a débuté par quelques discours officiels puis a continué avec des spectacles d’une nature très éclectique : représentation mêlant opéra chinois et occidental, musique aborigène, démonstration de beat-box, groupe de percussion, une violoniste, de la danse contemporaine et pour finir le show un spectacle de drones au-dessus du bâtiment !
Crédit photo : Salomé Colombet

J’ai été particulièrement impressionnée par l’installation visuelle mise en place par l’agence allemande Phase7 Performing Arts : une tête de Buddha géante animée disposée sur le bâtiment et entourée de lasers lumineux qui s’éclairaient entre les différents spectacles.

L’évènement s’est terminé par une invitation aux spectateurs et spectatrices qui le souhaitaient à rejoindre le préau pour danser au rythme des sets d’un DJ, en compagnie de l’équipe d’architectes ayant conçu le projet.  



Programmation, ambition, réalité, appropriation

Maintenant que ce méga centre culturel est ouvert, se pose la question de son avenir et de sa fréquentation.

Comment une ville de 3 millions d’habitants, qui se contentait jusqu’ici d’un théâtre de 1 600 places peut-elle rentabiliser un complexe dédié aux arts de la scène aussi grand ? La dimension nationale du centre pourra-t-elle attirer dans le Sud de l’île des spectateurs et spectatrices d’autres villes de Taïwan, notamment de la capitale, voire d’autres pays ?

Au-delà de l’enjeu économique, il y a probablement un enjeu en termes d’image. D’une part pour la ville de Kaohsiung qui essaie de dépasser sa réputation de ville industrielle portuaire et a développé ses dernières années plusieurs équipements artistiques et culturels comme le centre culturel de Dadong, la réhabilitation du Port 2 en lieu artistique ou encore le centre de culture maritime et de musiques actuelles en cours de construction. D’autre part pour Taiwan, qui à défaut de se faire remarquer en tant qu’Etat (reconnu seulement par une dizaine de pays dans le monde), tente de se démarquer avec des projets culturels de dimension internationale.

M’étant rendue à Weiwuying à plusieurs reprises, il me semble en tout cas que le bâtiment a rapidement conquis le public qui s’est totalement approprié la Banyan Plaza : démonstrations de danses, cours de yoga ou de taichi, groupe de discussions, shooting cosplay, projections de films… Le public s’est approprié cet espace public dont le décor semble tout droit sorti d’un film de science-fiction. Les évènements gratuits en plein air attirent également du monde, en témoignent les 15 000 personnes venues assister en novembre à la projection en extérieur de la représentation de l’orchestre philarmonique de Berlin (qui se jouait en même temps à guichet fermé dans l’auditorium du centre). Reste maintenant à voir comment attirer ce public dans les salles du Centre pour les spectacles payants.


Crédit photo : Salomé Colombet
Crédit photo : Salomé Colombet
Crédit photo : Shawn Liu Studio

Je termine cet article sur un extrait vidéo de la représentation que j’ai vue début décembre dans la salle de théâtre du Centre. J’avais pris la place la moins chère à 300 NTD (environ 8 euros 50). Le spectacle s’appelait Paradise Interrupted : un mélange d’opéra chinois avec une influence occidentale comprenant de très beaux décors en papier et des jeux d’ombres et de lumière. Pour ce qui est de l’histoire et du texte, inspirés d’une pièce classique chinoise « Le pavillon aux pivoines », je dois avouer que j’ai eu du mal à suivre et que la traduction anglaise, assez littérale, ne m’a pas permis de saisir la beauté et la poésie du texte chinois.


mercredi 14 novembre 2018

Les prochaines élections en novembre 2018 à Taïwan

Un grand rendez-vous électoral

Le 24 novembre prochain sera un grand rendez-vous électoral pour les Taïwanaises et les Taïwanais.
Des élections au suffrage universel direct auront lieu pour désigner les représentant·e·s locaux des communes, municipalités spéciales, districts et villages ou quartiers, soit au total plus de 11 000 élu·e·s. En plus de ces scrutins locaux, les électeurs et les électrices sont appelé·e·s aux urnes pour des referendums nationaux d'initiative populaire. Ils devront se prononcer sur dix questions portant principalement sur les grands débats du moment : le mariage pour les couples de même sexe (en voie de légalisation) ainsi que l'abandon du nucléaire et le recours aux centrales électriques à charbon. Une autre question porte également sur l'appellation de "Taïwan" aux compétitions sportives internationales et aux JO (et non plus "Taipei chinois" comme c'est le cas depuis plus de quarante ans).

Un aperçu de l'ambiance des campagnes électorales à Taïwan

Ces dernières semaines, les campagnes électorales ont retenti dans toute l'île. Partout au bord des rues et des routes on peut apercevoir des drapeaux portant les numéros et les photos de candidat·e·s. Il ne semble pas y avoir de limite aux affichages électoraux aux formats parfois géants qui investissent les murs et les façades des immeubles. Des camionnettes avec des hauts parleurs circulent dans les rues, des militant·e·s font les marchés en distribuant des programmes et même des paquets de mouchoirs à l'effigie des candidat·e·s !
Affiche électorale à Tainan

Un paquet de mouchoir "électoral"









Une camionnette de campagne à Tainan







Vu dans les rues de Kaohsiung : la grosse artillerie pour faire campagne avec un véhicule poids lourd et Bob l'éponge !

Les élections municipales à Kaohsiung

Dans la ville de Kaohsiung où je réside, l'ancienne maire, la très populaire Chen Chu membre du DPP, a démissionné il y a quelques mois pour accéder à un poste au niveau national. Quatre candidat·e·s se sont présenté.e.s : Han Kuo-yu du parti nationaliste KMT, Chen Chi-mai du parti indépendantiste DPP ainsi que Chu Mei-feng et Su Ying-kuei qui sont sans étiquette.

    Affiche de Han Kuo-yu au bord de la rivière de l'amour à Kaohsiung
Le candidat numéro 1 (Han Kuo-yu du KMT) semble avoir gagné une cote de popularité inattendue. Il se présente comme un candidat au franc parler qui veut apporter des changements et rompre avec la politique traditionnelle. S'il est élu, ce sera un évènement puisque le Sud de l'île est historiquement un territoire indépendantiste et que la ville est gouvernée depuis 20 ans par les verts du DPP.
 




Fin octobre, un ami taïwanais m'a proposé d'assister à un meeting politique du candidat Han Kuo-yu. Mon ami est un sympathisant du KMT mais c'était la première fois qu'il se rendait à un rassemblement politique de ce genre. Il m'a expliqué vouloir montrer son soutien au candidat qui était l'objet d'attaques et de fausses rumeurs venant du camp opposé. Malheureusement, mon ami a été retardé au travail et quand nous sommes arrivés le meeting venait de se terminer. Nous avons tout de même pu voir la foule impressionnante qui sortait du meeting scandant "Han Kuo-yu, soit élu" tout en brandissant des drapeaux de Taïwan. 

Dans la rue à la sortie du meeting
La fin du meeting qui se déroulait en extérieur

Les referendums d'initiative populaire : nouveauté et confusion...

Les referendums nationaux d'initiative populaire du 24 novembre prochain sont une grande première pour Taïwan. Ils font suite à une réforme intervenue fin 2017 qui avait pour but de redonner le pouvoir au peuple et qui a largement assoupli les règles pour la tenue des referendum d'initiative populaire : nombre de signatures abaissé de 5% à 1,5% du corps électoral (soit environ 280 000 signatures pour un pays qui compte environ 18 millions de personnes inscrites sur les listes électorales), âge du vote abaissé à 18 ans, et validation du scrutin si le taux de participation est d'au moins 25% (contre 50% auparavant). 

A l'heure d'Internet et de la mobilisation sur les réseaux sociaux, autant dire que les 280 000 signatures sont loin d'être inatteignables et c'est ainsi que dix questions seront posées au peuple taïwanais le 24 novembre. Plusieurs de ces questions concernent le même sujet et sont tournées d'une façon différente, selon qu'elles ont été portées par tel ou tel camp. Par exemple une question est :  "Approuvez-vous de limiter les dispositions du code civil relatives au mariage aux couples formés d’un homme et d’une femme ?", une autre question "Approuvez-vous la création d’un type d’union différent du mariage civil afin de protéger les droits des couples de même sexe vivant ensemble de manière permanente ?" et une encore une autre "Êtes-vous d’accord pour que les dispositions du code civil relatives au mariage permettent l’établissement d’une relation maritale pour les couples de même sexe ?". Autant dire qu'il ne faut pas trop se mélanger les pinceaux le jour du vote pour bien répondre à ce qui correspond à ses convictions ! Et que se passera-t-il si les réponses aux différentes questions sont contradictoires / incompatibles les unes avec les autres ? C'est la même chose voire pire pour les questions relatives à la politique énergétique qui sont posées de manière relativement techniques et concernent un sujet complexe. En ce qui concerne la question sur l'appellation de Taïwan aux JO, il semble quasiment impossible de la mettre en œuvre pour des raisons géopolitiques. La tenue de ces referendums montre que Taïwan est une jeune démocratie qui expérimente, mais que tout n'a pas été anticipé. Je suppose que dans le futur ces referendums seront davantage encadrés afin d'éviter la confusion que cela peut produire.

Les sources d'information de cet article et articles connexes : 
Taiwan Info : Taiwan se prépare pour les élections locales du 24 novembre
Taiwan Info : Dix référendums d'initiative populaire soumis au vote des Taïwanais
Taiwan Info : Le parlement assouplit les règles d'organisation des referendums
Article de Wikipédia sur Taipei chinois aux jeux olympiques


dimanche 28 octobre 2018

Le phénomène des machines à pince à Taiwan




Depuis 2 ou 3 ans, un étrange phénomène s'est développé à Taïwan. Impossible de ne pas les remarquer, les machines à pince ont envahi les villes taïwanaises. 

Quand je suis arrivée sur l'île en juillet dernier, j'ai d'abord cru à une spécificité du quartier étudiant dans lequel je résidais avant de me rendre compte de l'ampleur du phénomène. Des boutiques de 夾娃娃機 jia wawa ji (que l'on peut traduire littéralement par "machines à pincer des poupées") se sont développées un peu partout. Le concept est simple : pour la modique somme de 10 dollars taïwanais par essai (soit 28 centimes d'euros), on peut tenter d'attraper des peluches, mais aussi des jouets, des objets électroniques, des gâteaux et toutes sortes de gadgets dont on ne se servira probablement pas plus d'une fois dans sa vie ! A noter que j'ai vu plutôt des ados et des adultes jouer à ces jeux, et au final très peu d'enfants. Et oui j'ai des amis taïwanais de mon âge qui y jouent régulièrement et qui sont tout contents d'attraper un petite figurine ou une peluche... Étonnée par cet engouement pour un jeu qui n'est pas nouveau (les premiers modèles datent des années 30 aux États-Unis), j'ai voulu en savoir plus sur ce phénomène.


Les boutiques de machines à pince font désormais partie du paysage urbain

Le développement des machines à pince a d'abord un impact plus ou moins important sur le paysage urbain des villes taïwanaises. Selon un rapport ministériel, plus de 6400 points de vente ont été recensés dans le pays, soit cinq fois plus qu'en 2010. J'ai également pu voir des machines de ce type au Japon, mais davantage dans des arcades de jeux alors qu'à Taïwan des boutiques spécifiques pour les machines à pinces se sont installées ces dernières années. C'est dans la ville de Tainan que j'ai été le plus frappée par le nombre de boutiques et la place qu'elles se sont faites dans l'espace urbain. Dans certaines rues, il n'était pas rare de voir une boutique de ce genre tous les 100 mètres. La nuit, lorsque de nombreux magasins sont fermés, ces boutiques sont d'autant plus visibles puisqu'elles sont ouvertes 24 heures sur 24. Peut être plus encore que d'autres commerces, je trouve que les boutiques de machines à pinces se ressemblent toutes beaucoup : des lumières et des machines alignées. Parfois les enseignes des précédents commerces sont encore en place, ce qui permet d'identifier ce qu'elles ont remplacé : petits restaurants de quartier, magasins de téléphone portable, de vêtements et de chaussures... Des commerces qui employaient beaucoup plus de personnel, il doit doit donc y avoir un impact non négligeable sur les emplois.

Le business model et les enjeux économiques

Ce phénomène est avant tout économique, puisqu'en mai 2018 ces jeux arrivaient en 4ème position dans l'industrie du divertissement pour les taxes qu'ils rapportent (derrière le golf, le karaoké et les jeux vidéos). Je dois admettre que j'étais assez perplexe sur le modèle économique parce que je ne vois pas forcément beaucoup de personnes qui jouent à ces machines par rapport à l'offre qui est elle est très abondante. Peut-être que l'engouement pour ces jeux est-il déjà un peu passé ?
Mais il faut aussi dire que ce business présente plusieurs avantages :
- il est ouvert 24 heures sur 24 donc si l'affluence ne me semble pas folle, la consommation est peut être plus diffuse ;
- il ne nécessite pas la plupart du temps pas de personnel dans la boutique (sauf pour collecter l'argent, remplir les machines, la maintenance et j'imagine pour le service client en cas de problème)
- les clients viennent pour jouer et pour les prix, il n'y a donc pas besoin d'investir beaucoup dans une enseigne, dans la décoration et les autres services offerts (mais il faut en revanche des caméras).

Puis j'ai aussi trouvé que le profil des personnes qui se lançaient dans ce business était très varié avec de nombreux petits investisseurs. Un ami taïwanais me racontait par exemple qu'un étudiant qu'il connait avait commencé à investir avec ses économies dans ce business. En général, le responsable d'une boutique aménage le local, installe des caméras de sécurité et achète des machines. Ensuite il loue ces machines à des petits investisseurs. Une seule boutique comprend donc des machines appartenant à plusieurs personnes différentes. Le propriétaire d'un local peut le louer à plusieurs personnes ou bien le locataire peut sous louer une partie de la boutique et/ou des machines. Le résultat est que les prix immobiliers grimpent. Ces boutiques ont donc tendance à se développer parce que le modèle économique encourage les propriétaires à louer à des commerces de ce type, c'est plus rentable ! En revanche je n'ai pas trouvé d'infos sur l'acquisition des machines, quelles sont les entreprises qui les vendent et comment ça marche pour la maintenance des appareils.

Le fonctionnement des machines en tant que telles permet aussi de comprendre un peu mieux le phénomène sur le plan économique. Un article et une vidéo réalisés il y a quelques années par le média américain Vox révèlent que les machines à pinces sont davantage des jeux de hasard que des jeux de dextérité (oh surprise !). Les machines sont programmables en fonction du prix de chaque partie, de la valeur de l'objet à gagner et de la rentabilité souhaitée. La machine calcule combien de parties peuvent être gagnantes en fonction de ces principaux facteurs. A chaque partie programmée comme gagnante, la machine mettra plus de force dans la pince (avec plus d'intensité de courant) pour attraper l'objet désiré. On peut aussi choisir de moduler le rythme des parties gagnantes et même de faire des parties presque gagnantes en diminuant l'intensité du courant juste avant d'atteindre la zone de largage (frustration garantie !). Bref, plus que de la dextérité, c'est avant tout un savant dosage de probabilités et de techniques pour donner au joueur envie de continuer ! Ma sœur en a fait l'expérience récemment dans une boutique de machine à pince à Taipei. Alors qu'elle tentait désespérément d'attraper un objet, elle a demandé au responsable du magasin s'il n'était pas possible d'acheter directement l'objet en question. Il lui a alors répondu que non, mais qu'elle devait mettre 18 pièces d'affilé dans la machine, ce qu'elle a fait et au final miracle la partie était gagnante au 18ème coup... Pour être rentable il faut quand même un minimum de joueurs pour couvrir la location de la machine et/ou du local, et il me semble quand même que l'offre est bien supérieure à la demande, à voir dans les prochains mois si la bulle spéculative des machines à pince va exploser et quel commerce va les remplacer...


Je termine cet article sur la "créativité" des personnes qui se sont lancées dans ce business et qui ont voulu se démarquer des autres par l'originalité des lots à gagner dans les machines : des sex toys, des numéros de téléphone de jolies filles (via la messagerie Line), des fruits et des légumes, et enfin des crustacés vivants (crabes, langoustines), entrainant notamment des débats à Taïwan sur l'éloignement des ces boutiques des écoles et sur la protection des animaux.












Quelques articles pour en savoir plus :
https://www.taiwannews.com.tw/en/news/3497784
https://www.taiwannews.com.tw/en/news/3496887
https://mrmondialisation.org/larnaque-des-machines-a-pince-devoilee/
https://www.vox.com/2015/4/3/8339999/claw-machines-rigged
http://www.taipeitimes.com/News/taiwan/archives/2018/02/21/2003687982




jeudi 25 octobre 2018

Brouillon 2012 -> Tainan : découvertes et partages culinaires

Tainan est considérée comme la plus ancienne ville de Taïwan. Elle fut la capitale de l'île jusqu'à la fin du 19ème siècle. Fortifications hollandaises, anciennes demeures, ruelles étroites, temples bouddhistes et taoïstes tricentenaires témoignent de ce passé. Cette vivacité historique en fait un de mes endroits préférés de Taïwan. Mais cette fois, ce ne sont pas tellement les visites culturelles que je suis venue chercher. 

Je souhaitais que la dernière étape de mon voyage sur l'île soit avant tout faite de rencontres et d'expériences. Des moments simples que l'on peut sûrement vivre un peu partout, mais qui résonnent tout de même de la spécificité de l'esprit et la culture taïwanaises.  

J'avais prévu de rester deux nuits dans un appartement où trois jeunes urbanistes Taïwanais vivaient en colocation. C'est tout ce que je savais. Pour le reste, j'avais choisi de faire confiance au hasard des aventures et des rencontres. Une fois de plus, tout a commencé par une virée en scooter. C'est là que j'ai fait la connaissance du premier colocataire. Je commence à croire que le bruit du moteur allié à la sensation du vent sur le visage et à la vue défilante des paysages urbains sont une combinaison magique pour faire des rencontres inoubliables. 


Découvertes et partages culinaires

Le séjour a été riche en découvertes culinaires de toutes sortes. Il faut dire que Tainan est une ville reconnue pour la variété de la cuisine que l'on peut y trouver, aussi bien dans les restaurants que dans les marchés de nuit. De ce fait, tout séjour dans la ville se transforme inévitablement en marathon culinaire. Il faut aussi dire que ma gourmandise et celle des Taïwanais que j'ai rencontrés nous ont particulièrement tournés vers la nourriture.

Marchés de nuits et bizarreries gustatives

Les marchés de nuits de Tainan sont des temples pour tous les adorateurs de nourriture plus ou moins aventureux sur les bords. Lors de ma première soirée à Tainan, j'ai ainsi pu faire voyager mes papilles aux pays des bizarreries gustatives. 
Kyle et Roe, mes deux hôtes colocataires, m'ont tout d'abord montré un stand de brochettes de criquets. C'était la première fois à Taïwan que je découvrais un endroit où l'on pouvait manger des insectes. Kyle et Roe n'en avaient jamais mangés et je suppose qu'ils n'étaient pas sérieux quand ils m'ont amené devant l'étalage, pensant probablement que j'allais prendre une photo et repartir. Mais c'était sans compter sur ma curiosité ! Après leur avoir promis que je goûterais une brochette à condition qu'ils fassent de même, ils n'ont pas eu d'autre choix que de nous en commander une pour ne pas perdre la face. La brochette était constituée de criquets et de pommes de terre. Elle est frite avant d'être servie. Je dois avouer que j'ai un peu hésité avant de me "lancer", c'est à dire d'avaler une de ces charmantes petites bestioles sous le regard attentif de mes hôtes. Hop dans la bouche...goût de friture, croustillant, goût de pomme de terre, croustillant encore... Conclusion gustative : les criquets n'ont pas de goût ! Cette brochette n'était donc ni terrible, ni exceptionnelle. Après que mes hôtes aient testé la brochette, je l'ai terminée sans problème. 
La suite de notre balade au marché de nuit a été un festival de bizarreries culinaires étonnamment délicieuses, notamment friture de poulpes, omelette aux huitres et fruits et de mer et chou tofu. Ce dernier, le chou tofu, est un plat particulièrement apprécié à Taïwan. "Chou tofu" signifie littéralement "tofu qui pue" et ce n'est pas peu dire. C'est un tofu fermenté dont l'odeur si particulière (et si désagréable) se reconnait instantanément. Pas besoin de chercher pendant des heures un stand de chou tofu dans un marché de nuit. Il suffit de le repérer à l'odeur. On compare parfois la puissance de cette empreinte olfactive à celle du fromage français. Rebutée par cette odeur qui ressemble davantage à celle d'un cadavre que d'un met raffiné, je n'avais jamais été très partante pour en goûter. Mais après avoir dégusté des criquets, le chou tofu n'avait plus l'air si terrible et je me suis lancée. Conclusion gustative : le chou tofu a le goût du tofu et presque rien de plus ! Il s'est avéré que le goût n'a rien à voir avec l'odeur. Ce plat avait simplement le goût du tofu frit, et comme j'aime bien le tofu, j'ai forcément apprécié. Je profite de ce moment de bizarrerie culinaire pour parler d'un autre plat "spécial" à base de tofu que j'ai découvert lors de mon séjour à Tainan : le do hua. C'est un dessert constitué de lait de soja caillé sucré servi dans le sirop de son choix.

Les brownies façon hôte(sse) de l'air

Il s'est avéré que je n'étais pas la seule invitée de la colocation. En effet, Winsome, une amie Hongkongaise de Kyle et Roe était venue leur rendre visite quelques jours. Winsome est une jeune hôtesse de l'air qui aime fuir la foule de la métropole Hongkongaise pour venir se relaxer dans le sud de Taïwan. Le premier soir de ma venue à Tainan, elle nous a fait partager une recette : les brownies façon hôte(sse) de l'air. Cette pâtisserie est a été inventée pour cuisiner dans les airs. La recette est ultra simple.
Ingrédients :  
- des gâteaux secs (type sablés) aux amandes- un sachet de chocolat en poudre (pour boisson cacaotée)
- et un peu de lait
Il suffit d'écraser les gâteaux secs, de les mélanger avec le chocolat en poudre et de rajouter du lait (ou à défaut de l'eau), jusqu'à obtenir la consistance d'une pâte à gâteau. Il faut ensuite déposer la préparation dans un récipient allant au four et laisser cuire une vingtaine de minutes. Je suppose qu'il est également possible  de réaliser cette recette avec un micro onde.
Évidemment, ce n'est pas le meilleur gâteau au chocolat que j'ai jamais mangé, mais avec cette recette toute simple on peut cuisiner un brownie presque partout, et avec presque rien.

Les crêpes "à la française"

Après Winsome et ses brownies aériens, mon tour était venu. Il me fallait faire découvrir quelque chose. Nous avons donc décidé de faire des crêpes. Pour ce faire, nous sommes tout d'abord aller faire un tour à Carrefour afin d'acheter les ingrédients nécessaires pour des crêpes salées et sucrées. Puis j'ai appris à Kyle et Winsome tout l'art de "faire une pâte à crêpes sans grumeaux". Petite frayeur lors de la cuisson de la première crêpe, totalement ratée. Mais à partir de la deuxième, tout s'est bien passé : les crêpes étaient moelleuses et parsemées en grains de beauté. Kyle s'est essayé à en faire sauter. Mes hôtes et leur amie ont goûté pour la première fois du fromage de chèvre, que nous avions acheté comme garniture. Mais le clou du spectacle a été lorsque nous avons fait flamber les crêpes avec du Rhum. 

Une nouvelle aventure



Jamais deux sans trois.

Me voilà une nouvelle fois à Taiwan. Je me suis souvent demandée si j'allais me remettre à publier sur ce blog et puis finalement c'est maintenant que je ressens l'envie d'écrire et de partager avec deux ou trois idées d'articles en tête. J'en resterais peut-être là, ou peut-être pas, mais j'aurais au moins laissé ici quelques traces virtuelles de mon nouveau passage à Taiwan.

Mais je vais recommencer par une ancienne aventure. En me reconnectant sur ce blog, j'ai découvert un article que je n'avais jamais fini et jamais publié et qui attendait depuis 6 ans perdu dans l'univers "brouillon". Il correspond à la dernière étape de mon deuxième voyage à Taiwan.

NB : l'image ci-dessus est une photo d'une œuvre de l'artiste taiwanais Hsia Yan que j'ai prise début octobre lors d'une exposition au Fine Art Museum de Taipei.


mardi 11 décembre 2012

Alishan

Alishan est une région montagneuse située au cœur de l'île. On y trouve notamment un parc naturel très touristique, perché à environ 2200 mètres d'altitude. Pour s'y rendre, il existe une ligne de train très particulière qui parcoure plus de 80 km en trois heures et demi, passant de 30 mètres au dessus du niveau de la mer à la haute montagne. Durant le trajet, le train traverse trois zones climatiques différentes : tropical, subtropical et tempéré. Malheureusement, Marokot (un très gros typhon qui a dévasté l'île en 2009) a endommagé fortement la ligne de chemin de fer. À l'heure actuelle, le train ne dessert que quelques stations à partir du parc d'Alishan.

Je me suis donc rendue à Alishan en minibus. Le trajet dure un peu plus de deux heures et est impressionnant. Depuis les routes qui serpentent les montagnes, les paysages sont à couper le souffle. Durant l'aller, j'ai pu admirer plusieurs mers de nuage, mais je n'ai malheureusement pas réussi à prendre les plus belles en photo. Les routes, tunnels et ponts construits pour dompter la montagne sont spectaculaires. La végétation passe des champs de palmiers et de bananiers en zone tropicale, aux cèdres japonais et plantations de thé en zone subtropicale et enfin aux forêts de pins et de cyprès géants en zone tempérée. Enfin, j'ai aussi eu droit à ma dose d'adrénaline, les chauffeurs de minibus aimant conduire vite et doubler, même dans le brouillard, ou sous la pluie, ou dans les virages ou quand deux cars se suivent (et particulièrement quand toutes ces conditions sont réunies en même temps!).

Arrivée à destination, il pleut (encore). L'auberge de jeunesse catholique est fermée. Je prends donc une chambre dans un hôtel bon marché. Si tout se passe bien, ce seront les deux seules nuits à l'hôtel de mon voyage. L'hôtel est standard, voire mauvais, mais peu importe, j'ai une chambre double pour un prix très raisonnable. Le lendemain, je me suis rendue compte que j'avais une vue assez sympathique sur les montagnes depuis le balcon de ma chambre.

Je passe l'après-midi sous la pluie à me balader dans le parc. Avec le brouillard l'ambiance est mystérieuse. On est dimanche, il y a donc de nombreux groupes de touristes malgré le mauvais temps. Je discute avec un guide, surpris de me voir voyager seule. Il m'explique un peu l'histoire du monument qui se trouve à côté de nous pendant que son groupe est occupé à prendre des photos. Puis il reprend son drapeau et son mégaphone et continue la visite. Je me balade au milieu de la forêt et des cyprès géants dont certains sont millénaires. Durant leur  leur occupation de l'île, les Japonais ont exploité cette forêt exceptionnelle et ont coupé de nombreux arbres. Au Japon, de nombreuses boiseries, notamment dans les temples, sont originaires d'Alishan. Finalement en fin d'après midi le temps s'éclaircit. Je trouve un joli un point de vue sur les montagnes et admire le paysage, avec en bande son la musique émanant du temple bouddhiste d'à côté.

Le lendemain matin, je me lève à 5 heure du matin pour l'attraction touristique phare d'Alishan : observer le lever du soleil sur les montagnes. Le mauvais temps qui me suit depuis le début de mon séjour me rend sceptique, mais je tente quand même l'expérience. Je découvre en sortant de l'hôtel qu'il ne pleut pas : miracle ! Seule dans la nuit, je me dirige vers la station de train toute proche, qui permet d'accéder en trente minutes et sans effort à un joli point de vue sur l'Est. Et là, je découvre plusieurs centaines de personnes attendant le train sur le quai. Je me demande ce que ça doit être pendant la saison touristique ! Un compteur électronique m'indique que je suis la 214ème personne à monter dans le train. Dans le train, je ne trouve pas de place assise. J'ai l'étrange sensation de m'être trompée d'endroit. Je crois être dans un métro bondé à une heure de pointe. Arrivée à destination, la vue est dégagée. Il n'y a pas de brouillard. Par contre il y a des nuages au dessus des montagnes. Ceux-ci ont caché le soleil levant. Cependant j'ai tout de même pu observer les couleurs de l'aurore. Au milieu de la foule et des explications au mégaphone d'un guide/commerçant, l'ambiance n'était pas très propice à la méditation et à la contemplation. Mais c'était tout de même une expérience sympathique.

L'après-midi, le temps est radieux. Non seulement il ne pleut pas mais le soleil brille. Je décide de me promener dans le parc et d'aller dans les endroits que je n'avais pas vus la veille. Je tombe sur un chemin de randonnée. La signalisation est bonne et le parcours est aménagé. Il suffit de suivre les escaliers en bois. La randonnée en entier oerlet d'accéder à un sommet et dure 4 heure aller-retour. Je décide de m'engager sur le chemin pour faire un bout de la randonnée et profiter des bois et du paysage. L'endroit est plus tranquille et naturel que le parc. Puis, je ne sais pas ce qui m'a pris, mais j'ai marché et grimper beaucoup plus que prévu, malgré le dénivelé. Je crois que je n'ai jamais autant monté de marches d'escalier de ma vie. L'endroit était calme, je me sentais libre, et le réseau de téléphone passait (naïvement, je me sentais rassurée en cas de glissements de terrain, de tremblement de terre ou autres banalités taiwanaises). Je n'ai croisé que deux personnes sur le chemin. Arrivée à plus de 2500 mètres d'altitude, je rencontre une biche sur le chemin qui marquera la fin de mon "ascension". Assise sur en plein milieu des escaliers, la biche me barre la route. Elle me fixe du regard. Je l'approche doucement. Elle se lève, pousse un cri dans ma direction puis bondit dans les feuillages. Sûrement l'esprit de la forêt pour me ramener à la raison. En effet, je n'avais pas vu le temps passé et il était déjà presque 16h30. Le soleil se couche vers 17h15, et la clarté au sommet de la montagne m'a joué des tours. Je me presse donc de redescendre. Dans un peu plus de trois quart d'heure il fera nuit. Quinze minutes aprés le début de ma descente, le brouillard se lève. Il commence à faire sombre et je suis seule au milieu de la forêt et des arbres géants. L'humidité forme de la buée sur mes lunettes et ma myopie augmente quand le jour décline. Alternant entre mes lunettes embuées et ma myopie accentuée, la forêt prend un autre visage, plus flou et plus mystérieux. Je me concentre sur les marches des escaliers. Les quelques 3 km de descente me semblent une éternité. Certes le chemin est bien aménagé et assez sécurisé, mais je me vois mal marcher seule dans la nuit au milieu de la forêt. Finalement, j'arrive à l'entrée de la randonnée vers 17h10. Cet endroit du parc est désert. Je rejoins rapidement la route, qui est éclairée. Il y a des bus, des voitures et des promeneurs. La nuit tombe. Je suis rentrée juste à temps. Il me faut encore marcher une vingtaine de minutes le long de la route pour atteindre l'entrée du parc et mon hôtel. Je sors du parc dans la lumière rougeoyante du crépuscule et trouve un point de vue pour l'admirer. Ensuite, j'ai pris la meilleure soupe de nouilles du monde et la meilleure douche du monde : des choses très simples mais tout est une question de point de vue !

lundi 10 décembre 2012

Lukang (2) : hospitalité, croyances et bubble tea

A Lukang, j'ai été accueillie par Shawna et sa famille et j'ai passé la nuit chez eux. Je n'ai même pas eu besoin de rendre à Lukang par mes propres moyens car Shawna devait récupérer son neveu à Taichung. Je suis donc allée de Taichung à  Lukang en voiture et j'ai fait la connaissance de Shawna pendant ce trajet.

Nous sommes arrivés à destination en début de soirée. Il pleuvait, pour changer. J'ai découvert la famille de Shawna (sa mère, son père et sa tante) et l'endroit où j'allais dormir.

Les parents de Shawna tiennent une échoppe de thé dans la rue principale de la ville depuis plus de 20 ans. Ils ont travaillé dur toute leur vie et maintenant ils ont embauchés quelques employés pour les aider. Le père est ainsi beaucoup plus relax via à vis du travail, tandis que la mère  travaille toujours beaucoup.

La maison des parents de Shawna est caractéristique des bâtiments de cette rue : immeubles côté à côté de plusieurs étages, avec des façades assez étroites mais des étages qui s'étendent en longueur sur presque une centaine de mètres et débouchent sur une autre rue. Shawna m'a raconté que les commerçants pouvaient ainsi monter deux affaires, une dans la rue principale et une dans une rue annexe. Au rez-de-chaussée se trouve donc l'échoppe de thé. Le thé est à emporter, il n'y a pas de table et de chaise pour le déguster. Ce n'est pas du thé "traditionnel", mais plutôt du thé que l'on consomme à tout moment de la journée, chaud ou froid, avec plus ou moins de perles, de sucre et de lait à l'intérieur. Il est versé dans des gobelets en plastique, fermés hermétiquement, et se boit avec une paille. Juste derrière le comptoir, se trouve "la cuisine" ou disons l'endroit pour effectuer les préparations. Il y a plusieurs grosses marmites, dont une avec des herbes qui mijotent à l'intérieur et qui dégagent une odeur particulière qui embaume toute la maison. Derrière, on trouve l'arrière boutique où sont stockés divers ingrédients. Il a y aussi un ordinateur et plusieurs tables et chaises. C'est un endroit de détente pour la famille. Enfin, au fond je découvre un petit jardin qui donne sur la rue annexe. A l'étage se trouve une pièce à vivre immense et un peu vide, puis deux salles de bain et une chambre où la famille de Shawna dort. Je n'ai pas visité le dernier étage.

J'ai dormi dans la pièce à vivre à l'étage, dans une toile de tente que Shawna avait spécialement montée pour ma venue, "pour que je me sente plus en sécurité".

Lors de cette soirée à Lukang, nous sommes allées dîner dans un petit boui-boui préparant des soupes aux vermicelles et au canard. Le canard est disposé entier sur un étal, puis il est directement coupé au hachoir et mis dans la soupe. De ce fait, il y a plus d'os que de viande dans la soupe. S'en suit l'art délicat de cracher les os...Pendant le repas, j'ai pu constater que l'ambiance de cette ville était vraiment très loin de celle de Taichung ou de Taipei. La ville est beaucoup moins "asceptisée" et ses habitants aussi. La plupart s'expriment en Taiwanais (dialecte originaire du Fujian ramené par les premiers migrants). Entendre et parler le chinois, je peux m'en sortir. Mais le taiwanais c'est une autre histoire... je ne comprends pas un mot. Shawna m'a expliqué que les jeunes générations sont parties travailler à Taichung ou ailleurs.

Après le dîner, nous avons passé la soirée dans le jardin à discuter et à boire du vin coréen, un vin rouge aux fruits très sucré avec un goût de mûre. C'est le moment d'en dire un peu plus sur Shawna.

Portrait: Shawna
Shawna est une Taïwanaise de 27 ans. Elle est née à Lukang. Elle fait partie d'une famille de commerçants. Ses ancêtres vendaient du tissu, ses parents des bubble teas, et son grand fère a ouvert à Taichung un restaurant de pizza qui marche très bien. Elle est allée à l'université et a fait des études de commerce. Mais elle ne se retrouve pas dans ce monde-là. Entre ses divers emplois qu'elle trouvait ennuyants, elle a beaucoup voyagé en Asie et dans le Pacifique. Elle a notamment passé un an en Australie avec un visa de travail et quelques mois en Corée. Elle est revenue à Taïwan depuis peu et préfère vivre dans un endroit tranquille comme Lukang et profiter de sa famille, qu'elle n'a pas beaucoup vue quand elle était petite car ils travaillaient trop. Pour le moment, elle passe son temps à lire et à jouer de la guitare. Et elle accueille des étrangers et leur fait visiter sa ville. Elle a un projet : elle souhaite ouvrir une maison d'hôte à Lukang et y accueillir des voyageurs du monde entier. Mais pour le moment, elle n'a pas réussi à obtenir les autorisations nécessaires.

Le lendemain matin, je me réveille dans la tente, avec l'odeur de la plante qui mijote toujours dans la marmite au rez-de-chaussée et surtout avec le son des pétards et de la musique. Il y a un défilé dans la rue principale, en l'honneur de la déesse Matzu, qui possède un temple à Lukang. Dans le défilé, il y a un peu de tout : des jeunes, des vieux, des danseurs, des personnes costumées, des personnes avec des échasses ou costumées. Je n'ai malheureusement pris que très peu de photos. Je venais juste de me réveiller et je pensais pouvoir prendre des photos plus sereinement tout au long de la journée, mais il s'est remis à pleuvoir très fort et je n'ai plus vu de défilé. A noter que dans ce défilé hautement religieux, il y avait aussi en bande son du Lady gaga et des jeunes filles dansant autour d'une barre. Ici la religion ce n'est pas que de la tradition mais c'est aussi chacun son interprétation et sa façon de vénérer la déesse Matzu!

Pendant la journée, j'ai visité la ville avec Shawna qui m'a apporté de nombreuses explications et anecdotes (cf mon précédent article). J'ai aussi dégusté un excellent Baozi (petit pain farci à la vapeur). Le meilleur que j'ai jamais mangé. En plus de cela, deux choses inédites : j'ai été intiée à la religion populaire et j'ai préparé mon propre thé au lait aux perles dans l'échoppe des parents de Shawna.

La religion populaire
A Taïwan, la religion tient une place assez importante. Selon Shawna "sur l"île, on compte 9000 magasins 7-11 (ndlr ces petites superettes ouvertes 24/24 que l'on trouve à tous les coins de rue) ... et plus de 20 000 temples". Outre le Taoïsme et Bouddhisme, il existe une religion "populaire" avec des multiples dieux et déesses. Les plus connus sont le dieu du paradis, le dieu de la terre et le dieu de la maison. La déesse la plus populaire est Matsu, déesse de la mer qui protège les pécheurs. Un des temples les plus connus de Lukang est justement celui de la déesse Matsu. L'origine de ce temple remonterait à la dynastie des Ming, et la statue qui se trouve à l'intérieur du temple aurait été raménée de Chine par un général à la fin du XVIIème siècle sous la dynsatie des Qing. Bien que le temple soit dédié à la déesse, on y trouve aussi plusieurs autres dieux.
C'est Shawna qui m'a intiée à cette religion donc je répète ici ce qu'elle m'a montrée. Tout d'abord, elle m'a dit qu'il fallait prier chaque dieu du temple en faisant "baibai", c'est-à-dire en joignant ses mains et en les secouant de haut en bas. Certaines personnes font la même chose avec des encens dans la main, mais Shawna m'a expliqué qu'elle ne le faisait pas car elle se préoccupait de la qualité de l'air. Ensuite, nous avons posé une question à la déesse. Pour cela il y a tout un processus. Il faut d'abord remuer un pot rempli de bâtons et en prendre un qui dépasse. Sur ce baton il y a un nombre. Il faut ensuite aller devant la déesse et se présenter, avec son nom, son adresse et sa question. Puis on lance deux objets en forme de croissant. Selon la façon dont ils tombent à terre, la déesse nous confirme ou non qu'on a choisi le bon numéro. Pour ma part, j'ai failli assomer un religieux qui priait à terre lorsque j'ai lancé les croissants (LOL), mais la déesse m'a répondu que j'avais le bon numéro. Ce ne fut pas le cas de Shawna qui a du recommencer le processus à deux reprises. Puis, une fois le numéro confirmé, nous sommes allées prendre chacunes sur un présentoir un petit papier rose correspond à notre numéro. Sur ce papier, de nombreux caractères chinois que même Shawna ne comprenait pas. Il a donc fallu aller voir un monsieur du temple, et lui demander comment interpréter ce qui était écrit sur le papier. Shawna avait demandé à la déesse si elle pouvait ouvrir sa maison d'hôte, et "elle" lui a répondu qu'il fallait d'abord qu'elle trouve l'endroit où elle voulait l'installer, puis que les choses se débloqueraient. Pour ma part, j'ai demandé si j'allais trouver mon premier emploi. La déesse "m'a répondu" que pour le moment, ma chance de trouver un emploi était instable (tantôt chanceuse, tantôt pas chanceuse à ce que j'ai compris) mais que cette chance allait se stabiliser après le nouvel an Chinois.
Un peu plus tard, pendant notre balade dans les petites rues de la ville, nous sommes entrées dans une boutique de souvenirs et Shawna m'a conseillé d'acheter le dieu de la Terre pour favoriser ma chance de trouver un emploi. Voulant tenter "cette expérience religieuse" jusqu'au bout, j'ai donc acheté pour une somme modique une petite figurine kawaï (surement made in China) du dieu de la terre. Ensuite, nous nous sommes rendues dans le temple du dieu de la Terre et j'ai du effectuer une petite cérémonie : faire "baibai", brûler de l'encens et faire tourner plusieurs fois ma figurine et l'encens autour de petites statuettes. Ainsi, ma figurine "s'est remplie du pouvoir du dieu de la Terre".

Le bubble milk tea
Le thé aux lait aux perles est une boisson taiwanaise populaire, vendue dans des échoppes comme celle tenue par les parents de Shawna. Le thé au lait aux perles classique est composé de lait (en poudre), de thé noir, de glaçons, de sucre et de boules de tapioca. Il est servi dans un gobelet plus ou moins grand, avec une grande paille pour boire la boisson tout en aspirant les perles, que l'on peut mâcher comme des bonbons. Ceci dit, il existe de nombreuses variantes : différents thés (noir, vert, fruité...), des perles de différentes tailles,  plus ou moins sucré, chaud ou froid, plus ou moins de glaçons si servi froid etc. Affectionnant cette boisson si particulière, j'ai tout de suite accepté quand Shawna m'a proposé de préparer moi-même un thé au lait aux perles classique dans l'échoppe de ses parents. A vrai dire, j'ai surtout suivi les instructions d'une des employées de la boutique. Mais c'était sympa. J'essayerais peut être de refaire ça en France.

Photo 1: L'intérieur du Temple de Matsu

Photo 2 : Défilé pour la déesse Matsu (photo prise depuis le balcon de la maison des parents de Shawna)

Photo 3 : Shawna et les plats de soupe de canard aux vermicelles dans le boui-boui du coin

Photo 4 : Au temple de Matsu : les "bâtons" qui contiennent les numéros

Photo 5 : La feuille correspondant à mon numéro

Photo 6 : Shawna en train de faire "baibai"

Photo 7 : Préparation du thé au lait au perles avec l'aide d'une employée de l'échappe de thé

Photo 8 : La patisserie où j'ai mangé les excellents petits pains à la vapeur

Photo 9 : La pièce à vivre où Shawna a installé ma tente

Photo 10 : Soirée avec Shawna dans le jardin

Photo 11 : Shawna, ses parents et moi devant l'échoppe de thé